A Marseille on n’a pas encore le goût généreux des ocres de Provence; le subtil des parfums de toutes ses herbes.
La vie y est paresseuse de chaleur, mais roide, trop chahutée, trop décolorée de Mistral.
Sur l’arnaque hâtive du vent, les mots ricochent et s’entre-cognent; leurs chansons y raisonnent comme un bégaiement hachuré d‘air. Ils ont la couleur du rire salé de l’eau, la musique jamais sérieuse du soleil, l’aridité creuse du calcaire.
Des voix impérieuses à en paraître criardes.
Sur l’esplanade de la gare, aux milliers de pas pour visiter, pour courir un horaire, pour passer le raccourci qu’elle fait avec la ville en bas, on entends ces écailles de bruits là:
Ils accompagnent une pute qui passe, rire accrochée au cou d’un client, cheveux en brouillon de vent.
Un taxi qui déballe et déballe des quantités de sacs, pressé sur l’argent des embouteillages; crâne rasé rutilant d‘air.
Une femme noire et fine, plus jeune mais qui fait semblant de l’être, qui se vrille les chevilles en plantant des pas trop grands sur les talons trop hauts de ses chaussures trop larges; on dirait qu’elle a perdu le sens de sa direction, qu’elle s’est attrapé un courant d’air.
Deux hommes à casquettes qui dorment l’air béat sur des sacs avachis par terre, gênant les passages, enfouis en plein vent.
Un groupe bariolé à bijoux en or; le genre à pétanques aérées de Mistral, qui causent si fort que leur musique écarte l‘air qui vient se ficher à mes basques.
Le vent se traîne jusqu’aux quais, jusqu’à ce que je l’enferme dehors au marchepied du train; jusqu’à ce que je divorce de Marseille, en coup de vent.
Ut le 19/09/2008