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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 04:54

A Marseille on n’a pas encore le goût généreux des ocres de Provence; le subtil des parfums de toutes ses herbes.
La vie y est paresseuse de chaleur, mais roide, trop chahutée, trop décolorée de Mistral.
Sur l’arnaque hâtive du vent, les mots ricochent et s’entre-cognent; leurs chansons y raisonnent comme un bégaiement hachuré d‘air. Ils ont la couleur du rire salé de l’eau, la musique jamais sérieuse du soleil, l’aridité creuse du calcaire.
Des voix impérieuses à en paraître criardes.
Sur l’esplanade de la gare, aux milliers de pas pour visiter, pour courir un horaire, pour passer le raccourci qu’elle fait avec la ville en bas, on entends ces écailles de bruits là:
Ils accompagnent une pute qui passe, rire accrochée au cou d’un client, cheveux en brouillon de vent.
Un taxi qui déballe et déballe des quantités de sacs, pressé sur l’argent des embouteillages; crâne rasé rutilant d‘air.
Une femme noire et fine, plus jeune mais qui fait semblant de l’être, qui se vrille les chevilles en plantant des pas trop grands sur les talons trop hauts de ses chaussures trop larges; on dirait qu’elle a perdu le sens de sa direction, qu’elle s’est attrapé un courant d’air.
Deux hommes à casquettes qui dorment l’air béat sur des sacs avachis par terre, gênant les passages, enfouis en plein vent.
Un groupe bariolé à bijoux en or; le genre à pétanques aérées de Mistral, qui causent si fort que leur musique écarte l‘air qui vient se ficher à mes basques.
Le vent se traîne jusqu’aux quais, jusqu’à ce que je l’enferme dehors au marchepied du train; jusqu’à ce que je divorce de Marseille, en coup de vent.

Ut le 19/09/2008

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commentaires

M
Bonjour Ut,<br /> Chronique d'un jour ordinaire sur une avenue de la capitale du sud ! Un oeil sans concession, mais juste... un beau rendu avec des mots uppercuts, des mots qui marchent avec les passants.<br /> A bientôt<br /> bises
U
<br /> Bonjour Moun,<br /> Tu me fais un bien beau cadeau ici : je te vois marcher, tes cheveux plein l'air, dans ce Mistral que tu as tant détesté; qui passe par les prises électriques, comme tu dis :)<br /> Très bon doux week end à toi.<br /> <br /> <br />
C
J'ai aussi un rapport étrange avec cette ville...mais le mistral décolore tout comme tu dis si bien, même les souvenirs !<br /> Amitiés
U
<br /> Très juste! Serais-ce pour cela qu'il y a tant de fous par ici? Le Mistral ferait-il des courants d'air même dans les cervelles?<br /> On oublie ce qui fait mal, Colette... et heureusement!<br /> <br /> <br />
K
C'est maginifique, Ut. En plus, ça me rappelle le Marseille que j'ai connu, aimé, détesté, et qui, tiens tiens, me manque en ce moment.
U
<br /> ... et l'été qui arrive; et la peau qui sent l'or-caramel; et l'eau qui enroule sa sensualité; et les chelous qui pissent sur la Canebière.... Marseille est une salope, mais "Putaing" qu'est<br /> ce qu'elle est attirante! :)<br /> Bons baisers du Sud Kranzler.<br /> <br /> <br />
B
et tu m'offres aujourd'hui un superbe cadeau... une pensée pour toi dès que le mistral soufflera, avec un peu de chance, cela me réchauffera!
M
j'adore ton écriture, tes ellipses imagées me parlent très clairement, il y a beaucoup de poésie en cette prose, la rudesse s'y invite parfois avec raison ...<br /> splendide<br /> ;)

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  •  Elle est comme la note, volatile et grave. Elle écrit comme elle peint: pour oublier de se souvenir, et donner en partage; participer à l'ouvrage. 
donner l'encre ou les couleurs de sa symphonie à une note.
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