Je me souviens d'elle loin.
Catherine avait son visage de terre stérile et de vent sec.
Et pourtant je voyais que ses yeux avaient pleuré juste-là ; d'ailleurs, bien qu'elle soit aride, elle roulait un mouchoir en papier épuisé sur la peau grave et parcheminée de ses maigres pomettes.
Elle m'a vue et elle a souri.
Ce sourire qu'on aurait dit sans dents à cause de l'afaissement du nez cassé et des lèvres étirées si haut vers ses petits yeux verts. Tellement verts.
Il n'y avait que Catherine pour sourire comme ça.
Il n'y avait que Catherine pour parler comme ça aussi, avec une voix si grave si douce et si implacable tout en même temps.
Une voix de cailloux, d'herbes jaune, d'Alti Plano venteux.
Catherine était ma soeur, mais elle n'était plus qu'une infime partie de moi-même : la racine du ventre de notre mère.
Et je l'aimais ainsi.
Et elle m'aimait aussi.
Comme Catherine peut aimer : comme une rafale de vent dur mais souple ; infinie caresse corps à coeur.
Elle aime son Dieu pareil.
Et elle le dit pareil.
Parce que n'existe rien d'autre :
La vie même n'a l'importance que du passage obligé.
Et quand je l'ai trouvée endormie au chevet de son enfant mort qui souriait, elle faisait ce vent là. Pour lui.
Elle l'aimait par dessus la mort et son coeur cassé.
Il nous fallait boire à la mort.
Il nous fallait rire au nez de la mort.
Parce qu'enfin son fils ne souffrait plus.
Ut le 29/05/2012