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23 décembre 2010 4 23 /12 /décembre /2010 10:09

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Fractale

 

 

Bientôt la montre des hommes lui donnera un âge plus monstrueusement grand que celui de maintenant... très bientôt... Et quand même, elle se dit que c'est indécent un âge pareil...

Elle se dit ça, et emmaillote des cadeaux dans du papier comme des cartes-postales. Sauf qu'avec les enfants partis il y en a de moins en moins des cadeaux-cartes postales ; et qu'il n'y a plus le sapin : au fil de ces temps il est devenu un grand cône de bois tressé qui lui est aussi beau enguirlandé de boules de bois et de colliers de pacotille, que tout nu debout près de la baratte édentée et du grand coffre ciré à l'huile de lin.

 

A sa petite fenêtre il est gris-blanc de pluie ; et le radiateur dessous écaille ses rondeurs chaudes jusqu'au bout de la pièce qui grandit de l'oeil des fenêtres sur dehors à la mezzanine sous le toit, au-dessus de l'échelle de bois.

Tout à l'heure elle ira s'habiller belle et se maquiller pour préparer Noël.

 

Elle en a eu tant des Noëls aux bouts de tous ces ans!

Il y avait les si profondément blancs qu'ils se feutraient de bleu sur les grands mélèzes ; et les glaçons-stalactites tout autour du toit à la petite fenêtre au Nord bleuissaient quand on les regardait en penchant la tête pour avoir le bleu de la culotte de gendarme du ciel en transparence dans leurs gerçures.

Et aussi quelques fois il était tout pelliculé de rose le Noël, avec le sable du 

Föhn par dessus la neige des champs loin loin, là devant le balcon aux marches de bois toutes biscornues et à la pauvre vieille vigne vierge qui recroquevillait sa nudité tout autour de la rampe branlante.

Cette porte du balcon qui s'ouvrait dedans et qui grinçait toujours un peu aigu, et dont la serrure tournait à l'envers ; tout comme la grosse clé de l'armoire, la maîtresse de maison : tout était dans l'armoire, des gros pulls aux bouillottes pour les draps glacés, à la vaisselle creuse peinte, un peu écaillée de tant de soupes.

Le chalet craquait nuit et jour ; et quelques fois une énorme caresse du vent glissait le dos de la neige du toit jusqu'à par terre ; et là on ne pouvait plus passer pour aller trouer la poudreuse du jardin de profonds pas d'enfants, où quelques fois une botte restait plantée.

Et quand les Noëls neigeaient tellement fort que toutes les fenêtres étaient de coton blanc, elle s'asseyait sur le parquet bleu-vert et elle faisait des puzzles immenses ; et à chaque fois il manquait des pièces.

Alors elle allait à un fenêtre de brume, et elle dessinait l'ennui des doigts transparents de buée.

 

Et on cueillait la neige en bas des marches et on la chauffait dans une énorme bassine sur le gaz, pour préparer le bain du tub posé par terre, quelques fois sur une flaque de soleil presque pas dorée.

 

Noëls bleus, roses, blancs...

 

Et à sa petite fenêtre de mer maintenant, il est gris-blanc de pluie ; et le radiateur dessous écaille ses rondeurs chaudes jusqu'au bout de la pièce qui grandit de l'oeil des fenêtres sur dehors au trou noir de la mezzanine sous le toit, au-dessus de l'échelle de bois.

 

Ut le 23/12/2010.

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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 16:37

A quatorze ans.

 

Se tenir droite, les épaules carrées et la tête haute.

Ne pas plier, ne pas baisser les yeux. Droits devant, les yeux.

Enfoncer le sol de ses talons et garder les genoux serrés, tendus sur les jambes.

Ne pas sourire.

Ne pas laisser une seule fissure où ils pourraient entrer, déranger, balayer l'équilibre ; le Propre.

Le propre de Soi. De l'enfance, déjà à la poubelle des adultes.

 

Fermer la fente. Une pointe est si vite recouverte par la plaie.... Une qui fouille et tord et anéantit... jusqu'à la colonne vertébrale qui tient droite et les épaules carrées et la tête haute et les jambes tendues... Sur ses quatorze ans.

 

Ut le 05/08/2010.

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 07:29

 

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Pourtant elle tournait à la montre... et pas dans le temps, pas à la cadence qu'on croit... L'attente.



Cécile était debout au bord du trottoir gris qui avait encore son air laqué de la pluie qui venait à peine de cesser.

Elle attendait.

Elle portait son ciré rouge - comme le chaperon, lui disait tout le temps François avec ce rire à lui dans ses yeux d'eau clairs - Cécile répondait à chaque fois que le ciré évitait l'encombrement maladroit, dégoulinant... et souvent oublié, des parapluies : il avait une capuche (rouge) ; et elle ajoutait souvent qu'en plus il avait deux poches, là, devant, tu vois, et que c'était bien pratique pour y mettre ses mains, Quand ça caille!...

Sans doute que c'était pourquoi un jour ; un autre jour de plus, François lui avait apporté des gants de laine. Des gants noirs.

... Perdus depuis les gants... ou volés ; peut-être Oui, sans doute volés : c'est qu'en hiver les gants, c'est si précieux pour éviter les gerçures qui saignent de froid... qu'entre démunis, il arrive qu'on ne résiste pas...

Et ce que Cécile ne disait jamais - mais François devait le pressentir, sans doute, avec toute l'expérience qu'il en avait maintenant, de ces autres sans toit ni rien à eux - c'était qu'elle ne comprenait pas le luxe d'un parapluie.... ce truc qui ne pourrait même pas servir de couverture au corps la nuit... ou le jour.... en tout cas quand on s'allonge n'importe où ; juste parce qu'il y a toujours un moment où il faut dormir un certain temps ; le temps nécessaire pour l'oubli de soi.

A cet instant précis du récit, Cécile attend debout, la capuche rouge du ciré rabattue sur sa tête, jusqu'à presque cacher ses petits yeux verts.

Des yeux fouine.

Des yeux sans montre ni devoirs ni règlements d'aucune sorte... à part quand François disait Viens, tel endroit, telle heure. François c'était la référence du moment ; un peu comme son seul temps de vie, à Cécile.

Et forcément, sans montre, elle l'attendait souvent.

Et cette attente d'aujourd'hui lui donnait l'espace pour réfléchir au temps de François, au temps des autres, quoi, de la vie qui marche ; et elle se disait que c'était quand même une drôle de question ça: depuis quand connaissait-t-elle François?

Parce que le temps en jours ou en montres, il y avait si longtemps qu'elle ne s'en servait plus, que même son corps avait oublié, de tôt matin en passant par midi, pour aller jusqu'au lit du soir.

...C'est dur, les histoires de temps, des fois.

Alors, pour éviter la mémoire, elle soupira en levant la tête, et réalisa qu'il ne pleuvait plus.

Elle poussa derrière sa tête le capuchon du ciré, d'un coup de main gauche ; et, comme dans un tic, secoua ses courts cheveux noirs taillés un peu n'importe comment d'une fois, d'un jour que le Petit Paul avait décidé qu'il fallait couper toute cette tignasse à attirer les poux si souvent!

Et maintenant dans l'histoire, on peut voir qu'elle a la peau très blanche ; un ovale défait du visage ; une petite bouche fine et presque toujours close, même quand elle parlait ; ou plus rarement, quand elle riait : le rire faisait sur elle un sourire étiré, parce qu'elle ne pouvait vraiment pas découvrir les trous des dents qui manquaient.

François avait dit six heures. Six heures de quoi? Ca, Cécile n'en savait rien ; n'y avait même pas réfléchi : François lui avait donné rendez-vous là, sur ce trottoir exactement.

Alors elle l'attendait.





Le petit chien noir et blanc à ses pieds tira un peu sur la laisse que Cécile tenait dans sa main droite : lui il en avait assez de se geler le train arrière sur ce trottoir humide!

Cécile baissa les yeux sur l'animal, et rétrécit un peu la laisse de corde, ce lien fini qui les raccordaient l'un à l'autre depuis un ancien temps plus froid, plus solitaire.

Elle savait bien ce que Chien pensait.

D'ailleurs, elle pensait souvent comme lui : c'était plus pratique pour la compréhension ; ça évitait les malentendus et les fautes d'interprétation.

Elle se retourna et tira Chien sur trois pas arrière : l'immeuble derrière eux – gris lui aussi – faisait une petite marche avec le trottoir. Ils y posèrent tous les deux leurs fesses, au sec sous le débordement du toit là haut.



Et sans presque que ses lèvres bougent, Cécile se mit à parler au chien assis à son côté droit.

Comme souvent. Parler, comme souvent.

« Moi aussi j'ai froid. Et puis faim, si j'y pense un peu trop. Mais tu vois, déjà il ne pleut plus. Alors attendons là, quitte à se raconter une histoire pour passer ce fichu temps, qui apparemment a oublié qu'il avait à tourner au même rythme tout l'temps... ou plus vite quand on attend François ».

Le chien opina imperceptiblement de sa grosse tête, de ses gros yeux bruns proéminents ; de sa grosse mâchoire aplatie.

Au fil du temps, iI avait appris Cécile et ses trous à la vie ; ses trous à l'âme. Que des bleus avaient percé quelques fois, et mit des courants d'air partout.

Il n'y avait qu'à lui qu'elle pouvait dire le froid ; il n'y avait que lui qui voyait quand elle penchait son visage sur elle-même, qu'elle voyait les sales griffures des temps perdus ou trop solitaires ; les anonymes trous béants des autres....

Et encore sa bouche disait : tu sais, il y a un trou comme une percée de corps qui grossit et qui mange de plus en plus de maintenant, c'est ce fichu trou de Noêl.

Je suis sûre que c'est lui qui fait avancer les autres ; que c'est lui le premier qui fait avancer tous les autres ; que c'est lui le premier à avoir ouvert mon corps aux intempéries... depuis le temps que ça dure!

A onze ans Noël m'était déjà une corvée.

A quarante ans j'y ai perdu mes aînés.

De tous temps je n'ai jamais eu l'argent pour donner les plaisirs.

Tu vois, à Noël, normalement d'abord il faut commencer par décorer.

Comment décorer quand tu as une guirlande de déchirures autour du cou?

Ensuite il fallait cuisiner.... comment construire le plaisir des palais quand tu n'as jamais faim que pour nourrir le corps ; juste assez pour qu'il ne tombe pas?

Faire les cadeaux ça c'est le moins dur : il suffit d'avoir l'argent.

Je n'ai jamais eu l'argent.

Et année après année le trou de Noël grossit, s'étale au jour de l'an ; puis commence dès les premières guirlandes ; puis éclabousse même les anniversaires, ou même un coin de vie solitaire comme ici ; maintenant.

Et pourtant il n'y a aucune guirlande dans cette rue à attendre François... mais tu sais, les fissures de vie gâchent les souvenirs et les repos. Et finalement c'est la mémoire qui perce l'âme.

Cécile ne dit plus rien. Chien non plus : il faisait gris jusque dans les yeux du chien sur le penché de sa tête à écouter : il n'y avait rien à faire.

Ils attendirent encore..

Puis elle mit une main dans la poche gauche du ciré, en sortit quelques biscuits emballés dans un film transparent, et se mit à les grignoter en partageant à chaque bouchée avec le chien..

Et un triste voile de soleil traîna un moment sur le trottoir devant, sans même atteindre la marche de l'immeuble ; puis s'éteignit. Mais il avait achevé de sécher le scintillant de l'ancienne pluie par terre... et à présent tout était vraiment gris de gris.

Ils attendaient.



En fait, se disait le chien, c'est facile d'attendre : il suffit de se poser. Mais surtout, avant, il faut avoir fait ses besoins. Parce qu'après c'est trop tard : tu es coincé dans le temps. Le temps de l'attente. Ce temps qui ne dure jamais pareil selon qu'est ce que tu attends et à quoi tu penses. C'est à chaque fois imprévisible. Comme une chaîne. Comme une laisse qui s'appellerait temps, et qui te tient, parce que quand c'est commencé, faut bien aller jusqu'au bout. Pas moyen de s'échapper, sauf à rompre la chaîne et donc le projet ; le futur ; ce pourquoi tu attends.

Cela arrivait souvent à Cécile de rompre la chaîne quand il ne s'agissait pas d'un rendez vous avec François. Soit qu'elle eut une autre idée pour passer le temps, soit qu'une soudaine envie de faire pipi la pressât trop fort.

Ca aussi.. ce corps... Le chien y pensait tout le temps à son corps qui vivait à son heure sans qu'il puisse rien y faire non plus ; qui n'obéissait à rien de ce que bien souvent il espérait : il avait soif, faim, sommeil, des besoins impérieux qu'il lui fallait assouvir sous peine de mort assurée plus ou moins rapidement.

...La mort, ce temps du Vide sans fin.... Enfin, c'était ce qu'en disait Cécile, et sûr qu'elle s'y connaissait mieux que lui en histoires de temps, de vie, et de mort... Lui il ne savait même pas compter ; il ne pouvait juste qu'écouter le rythme de son corps de chien.

Cécile, elle, pouvait oublier un peu son corps (un peu trop sans doute : elle était si mince!).

C'était peut-être parce qu'elle vivait avec les yeux de dedans ; ou qu'elle vivait dedans ce qu'il lui passait par les yeux... Bien souvent elle en oubliait les impératifs charnels – carnés – carne - viande ...manger, pour le chien....

Il n'y avait pas de doute : Chien avait faim!

Il essaya de se rappeler quand il avait mangé pour la dernière fois, mais au lieu du quand, ne lui revenaient que des odeurs et des goûts.

La plus récente, c'était une belle grosse odeur de poubelle, avec par dedans un fumet d'os de poulet. Le triste, c'était qu'il n'y en avait pas eu beaucoup, du poulet ; et ça, la faim de Chien s'en souvenait : douleur de l'estomac qui avait cherché avec la truffe, cherché un peu plus profond, avidement, dans la poubelle... En vain...

Oui, oui, Chien avait besoin de manger. Aussi sans doute, à cause de ces petits morceaux de galettes que Cécile lui avait mit dans la gueule par petits bouts ; par petites cadences ; par petits temps de plaisirs.

Chien la regarda de ses gros yeux, si intensément, que ça lui fit un froncement de poils sur le front. Cécile dut le sentir, parce qu'elle tourna la tête vers lui.

Elle connaissait bien ce regard là : son chien avait faim... Et un futur était déjà là avec la faim de Chien. Un impératif à accomplir au temps devant... Après François....

Elle soupira encore ; à peine, juste pour faire compassion de son regard à celui du chien, chacun sachant qu'il n'y avait, là, immédiatement, aucune solution à ce problème.



Alors ils reprirent leurs regards d'avant : droit devant, chacun sur son derrière.

Une voiture chuinta de loin, frôla le trottoir, y gicla une grise écume d'eau, puis disparut au coin à droite. L'écume avait un peu mouillé Cécile et le chien. Chien s'ébroua ; Cécile ne fit pas un geste, la tête, les yeux, bloqués à droite, là où du vent de vie s'était volatilisé.

Ce n'était pas François.

Ils reprirent l'attente.

Et cela dura.

Tellement, qu'il se mit à faire nuit, presque d'un coup de gris devenu noir.

Et le lampadaire du coin à droite s'éclaira de jaune glauque, sourd. Le lampadaire, comme tous les objets, ne regardait rien, ne voyait pas, n'entendait aucun bruit du chuchotis de la presque enfant et du chien qui se parlaient de temps en temps à voix basse.

Il n'avait donc pas pu remarquer non plus qu'une seconde de temps avait clos la voix féminine ; élargi l'espace entre le ciel et les deux corps immobiles.





Quand François arriva enfin dans la camionnette blanche, il distingua deux formes, l'une plus tassée et plus petite que l'autre, juste au fond du plus que gris : sur la marche que faisait l'immeuble avec le trottoir.

Il gara la voiture tout contre ce trottoir de l'attente qu'il ne savait pas encore, descendit, tout fin malgré la camisole jaune à ne pas se faire écraser la nuit ; souple comme un petit bonheur mûr, et s'approcha avec déjà un sourire dedans ses yeux d'eau : il aimait bien Cécile ; et puis le chien aussi, si patient et câlin tout le temps. Il était indissociable de la silhouette de la jeune-fille dans le souvenir qu'il en avait quand il pensait à elle, comme si souvent il pensait à tous ces êtres qui ressemblaient à un non-sens sur du non-temps.... et là, c'était le temps de Noël.... le temps de mettre encore plus de sourires, de chaud dans la voix, de tendre dans les gestes.

Il avait rencontrés ces deux là un mois auparavant, quand soleil commençait à faire l'absent pour réchauffer les à peine vivants dehors ; lors de l'une de ses hebdomadaires tournées de bénévole de la Croix Rouge. Cécile alors souriait, tête penchée sous le capuchon rouge qui du coup lui couvrait à peu près tout l'oeil droit, ses deux mains en avant vers le feu qu'avaient allumé les compagnons de ce soir là. Dans sa main droite, nue et déjà un peu ridée de gerçures, il y avait la boucle de la corde d'elle au chien, qui tournait tout autour.

François avait pensé : il lui faut des gants. Des bons gros gants de laine. Je chercherai.

Et il avait tout de suite été attiré par ce couple comme l'innocence : une presque vieille femme si mince et si fragile, accrochée à un bas, rond et pas trop beau bouledogue noir et blanc. Et cette toute première fois, François avait dit Bonsoir tout le monde, et charrié la fille inconnue à cause de ce ciré rouge comme le chaperon dans le conte. Il s'en souvenait : il lui avait dit de faire attention à ne pas rencontrer le loup.... Cécile, trop sérieuse, lui avait répondu d'abord avec son petit regard vert fouine, puis avec ses mains qui faisaient un cercle dans la nuit avant de s'enfouir dans les poches ; puis en disant que le ciré c'était bien plus pratique qu'un parapluie qui n'avait pas de poches et qu'on oubliait partout... Ou quelque chose comme ça.

Le chien, lui, avait mit ses deux pattes de devant sur le pantalon de François, frétillé son petit bout de queue, deux bosses de poils sur son front, et ses gros yeux marrons comme en avance sur le reste de sa gueule.



En Avance!... Tout à coup François réalisa qu'il était plus qu'en retard sur l'heure du rendez-vous qu'il avait fixé à Cécile la semaine dernière : dix huit heures aujourd'hui, ici... Un retard de trois heures dix exactement à sa montre - la montre offerte par sa femme pour son dernier anniversaire... il y avait combien de temps déjà?

A la Croix Rouge, ce soir, il y avait eu un problème avec le nombre des sandwiches du jour à distribuer... François et d'autres bénévoles avaient dû courir en quémander des invendus dans diverses boulangeries de la ville, vite, avant qu'elles ne ferment sur la nuit des repos des gens à travails et à domiciles.

Il pressa trois pas : il voyait bien que les deux tas d'ombres ne bougeaient pas, et il espérait qu'ils étaient dans le temps du sommeil : ce temps qui fait comme la mort, mais à toute vitesse jusqu'au réveil.



Et il crut bien qu'il mourait une première fois en n'entendant que le chien pleurer doucement.



UT le 19 Décembre 2009.

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17 janvier 2010 7 17 /01 /janvier /2010 07:38

L'Anonyme est cabossée, mutilée, percée.

L'Anonyme n'est plus qu'une cicatrice vide.

Et cela réveille bien souvent sa nuit ; cette petite mort du sommeil où les rêves ne peuvent être empêchés et tus.


Cette nuit là, peut-être plus solitaire qu'une autre, plus fragile, ses amours l'avaient dépouillée encore une fois. Amours blessés qui ne lui avaient laissé que des enfants sans pères qu'elle avait élevés, houspillés, torchés... Adorés...

Les enfants perdus.

Et son corps tremblé l'avait réveillée de tout ce froissé vécu, cogné... jusqu'en son ventre gonflé d'un bébé...

Cette nuit là.

 

Dans le silence de tous les dénuements, ses mains craquelées caressaient le noir et sa solitude.

Et elle ne criait même plus à l'éveil du cauchemar : c'était presque quotidien cette souffrance.

Et le petit chien noir et blanc à ses pieds ne lui léchait pas la consolation au vieux et maigre visage : il ne fallait surtout pas qu'elle se pique au poignard des larmes de mémoires.

Alors chien écoutait humblement l'Anonyme bousculer sa maigreur sous ses tas de chiffons ; gargouiller un grincement.

Puis il veillait avec elle, heures de silence sur heures de silence, sans un mouvement... avec juste les trous noirs des yeux de la vieille piqués sur son néant.

 

Ut le 17/01/2010.

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23 décembre 2009 3 23 /12 /décembre /2009 06:14

Pour Saadou


Elle dormait ; sans savoir qu'elle dormait : comme c'est chaque fois le cas dans cette petite mort d'humains.

C'était le réveil aux gris sombres de la sous-pente qui lui avait redit le temps et la vie... elle n'avait même pas grincé son corps vieux ; même pas eu le temps de bouger l'épaule coincée sous elle : ses yeux s'étaient ouverts sur ces mots dont elle ne connaissait rien ; qui ne lui appartenaient pas :

 

A la fenêtre du ciel

Monte le chant éternel

Le chant terrible

Le chant d'Avant!

 

et juste avant dans son rêve, un oiseau s'était posé sur le bord invisible d'une fenêtre carrée de ciel....

 

L'Anonyme le 23/12/2009.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 10:22
Ne pas lire si vous êtres malade, s'il vous plaît! Il ne sert à rien de répéter le malheur... il ne sert qu'aux bien portants... comme moi... en souvenir....


Bonjour, c’est Nine.

Il fait tellement froid! C’est idiot, mais je ne peux pas t’imaginer ailleurs que dans du noir nu et froid. Surtout avec ce petit corps que tu avais à la morgue ; bleu.

Oui, je sais, tu vas me dire, avec ce regard d’eau et sûr et triste que tu avais quelques fois: “Tu en as mit le temps. Ca fait deux ans ma Nine.”

Ben oui. Presque deux ans. Tu vois, avant je ne pouvais que me souvenir et en parler au Mec là-haut, celui auquel tu ne croyais pas, pour lui demander de te donner chaud et paix. Maintenant je ne veux plus regarder ton visage que j’ai viré à l’ouverture de mon ordi… Mais il faut que je te parle.

Surtout dans le TER, à rien d’autre qu’à se souvenir….

Ca ne sert à rien de se souvenir sans toi. Un souvenir ça se partage. Alors je t’écris à chaque trajet.

Oui, parce que j’ai quitté la salle et Marseille, Vincent : les odeurs ne racontaient plus qu‘une sorte de rien malsain ; même le petit geyser rond de magnésie, à chaque fois que j’allais m’accroupir à la barre, à chaque fois que je n’entendais plus “Daï ma Nine!”

Ca a été long, deux ans! Tu te souviens, tu m’avais dit “Je pars quelques temps. Je suis fatigué. Il faut que je me repose.” Et tu m’avais serrée si fort que je t’avais repoussé en riant.

Toi tu savais. Tu as toujours eu ce courage là. Et puis celui de ne jamais rien me dire sauf l‘indispensable ; comme cette fois à la salle, où ton bras à perfusions était devenu violet de sang éparpillé, et que tu me l‘avais montré avec tes yeux d‘enfant ; et qu‘alors je t‘avais obligé à appeler “Taxi“pour qu’il t’emmène à l’hôpital.

Tu te souviens?

 

Je sais que tu vas râler, ou fermer tes paupières lasses en tournant un peu la tête, mais il faut que je te le dise encore : ces remèdes t’ont inoculé ta mort, doucement ; des remèdes à ne pas crier sur le vide des scientifiques impuissance. Je le voyais bien qu’ils torturaient, balafraient, brouillaient ton corps d’avec ta vie. Quand je t’en parlais tu disais que les médecins t’avaient raconté le malheur, prédit la mort ; qu’ils avaient insisté sur l’urgence de ne plus être, de donner ton corps aux médicaments, aux brûlures. Tu ne voulais pas croire que la science des médecins ne sait plus que l’âme existe ; qu’elle n’est en affaires qu’avec les corps en malheurs… Tu me grondais ; tu n’écoutais pas. Tu les a laissés te gommer…

...C’était notre dernière année d’entraînements.

Ton corps déjà en déséquilibre sur la vie, mais toi assis bien droit sur le banc de bois de ta petite salle. Et moi qui sautais avec les barres.

Je voulais encore t’épater, tu sais!

Quelques fois au début, et puis de plus en plus souvent, tu ne voyais plus mes bêtises sous les poids ; ou tu étais trop fatigué pour répéter : “Fixe tes trapèzes ; n’enroule pas la barre ; allez, fort!” Et tu me disais que tu avais le cœur dans l’eau. Et puis tu allais vomir ta chimio.

 

Tu te rappelles la dernière fois qu’on s’est parlé? C’était trois jours avant. Tu m’avais appelée ; j’étais en voiture pour aller à la salle, et toi tu avais cette voix d’ailleurs, qui tremblait un peu; ta voix d’hôpital. Pour la première fois tu m’avais dit “J’ai mal” . Je t’avais répondu que personne ne t’en voudrait si tu lâchais tout…. Maintenant c’est fait. On t’a brûlé le jour de mes cinquante quatre ans.

Toi qui aimais tant me faire un cadeau pour mon anniversaire…

Ils t’avaient mit ton costume gris perle, bien serré jusqu’au menton ; et puis ils avaient emballé ton corps dans un drap croisé. Je ne voyais que ton visage ; presque un visage d‘enfant devenu vieux par hasard ; ou par accident. C’était la première fois que j’embrassais un mort. Mais surtout, je t’ai caressé la joue, et ça me faisait drôle que tu ne sentes rien ; comme si mes doigts étaient vides ; ou comme si on avait débranché le fil qui nous reliait.

J’étais toute seule ; dedans ; avec tout mon amour pour toi…

 

Et non, ce n’était pas triste, parce que tu étais si calme que tu ne te ressemblais pas.

Le triste ça a été après, au milieu de tous ces gens qui pleuraient ; qui me volaient ton souvenir, en quelque sorte.

 

Au téléphone je n’avais pas osé dire Je t’aime. Je n’avais pas osé, Vincent: ç’aurait été comme mettre une pelleté de terre sur ta vie. Je ne pouvais pas faire ça.

 

Et ton absence fait toujours ce bruit de verre brisé à chaque pas de mémoire…

 

Ut.

 

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26 novembre 2009 4 26 /11 /novembre /2009 10:11



C’était un jeudi tôt d’hiver.
Quai vide, opaque de l’entaille à l’est d’un jour bleu de vent.
Marie grimpe rapidement dans le train qui arrive de Nice.
Quelques bruits de voix à l’installation des habitués, puis juste la respiration du long tube d’air qui emmène le voyage.

Une fille blonde dort repliée sur ses jambes.
Un jeune gars caché sous un bonnet de laine s’est éteint, des écouteurs sertis aux oreilles.
Quelques livres s’ouvrent à la page d’hier.
Une conversation de travail s’effiloche  du bout du wagon jusqu’à Marie qui claque les touches de son petit ordi... Il a du mal, l’ordi, à cause du roulis et des soubresauts que font les rails : les lettres s’affolent et s’installent n’importe où dans les mots, dérapent ce qu‘ils auraient à dire.

Les écrans des fenêtres isolent les images du monde : la mer file, inanimée ; les arbres allument et éteignent des taches, ombres sursautées ; des tunnels coupent le jour qui d‘un coup blanchit l‘espace dans ce temps à rien, cette heure de voyage vers le boulot.

Un temps qui ressemble à une faille du rythme des montres qui ne passent pas l’heure à la même cadence que dans la vraie vie.

Traversée monocorde et suspendue entre passé et futur de tous ces gens enfermés ensembles ; et seuls ; encore blottis dans le point d’interrogation de ce que sera aujourd’hui.




Et voilà... La violente lame de vent, poussée par le train qui perçait le calme vide des rails, l’avait toute refroidie, bousculée, ébouriffée dedans ses rêves. Ses cheveux humides séchaient maintenant en épis fous autour de sa tête, et la douce attente presque printemps de ce matin n’existait plus. Il ne restait que du gris ... et l’écho monstrueux du train qui tiraillait encore derrière la tête ; qui effaçait le souvenir ocre et rose, tendre et lumineux, de la rêverie de France.
Et tout le froid agonisant de l’hiver infiltrait, bourrait ses vêtements.
Même la vasque d’or clair entre les lourds nuages de  pluie à l’Est s’en était refermée.


France était sur le quai de Marseille pour aller à Toulon... pour aller chercher des souvenirs d’avant ; des repères pour aider la vie...

Parce que France ne se rappelait plus vraiment de ce  passé là ; d’il y avait plus de dix ans maintenant.
Il lui en suintait à l’âme comme de l‘intime ; une mémoire d’enfants bruns rieurs ; un calme d’écriture à côté de petits carreaux ; un temps au rythme du glouti d'une fontaine ; une odeur de peinture et de livres…

France avait été malade, longtemps, mais personne ne le lui avait dit.



Ut le 24/11/2009




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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 07:54



                                                                 Oeuvre de Fernando Bronchal



Eric rentrait de l’école, ses cheveux bouclés en vrac autour d‘un visage maculé de réflexions et de jeux, son cartable sans formes claqué sur le dos, une main serrant une main de Katy, si petite, si fine, si pâle à côté de son frère.

Eric vit France avant Katy, et il s’arrêta net.

Une inconnue ; quelquun quon navait jamais vu ici et qui ne ressemblait en rien à une touriste, ouvrait la porte du numéro trois avec une vraie clé, et disparaissait dans la bouche noire de lentrée ; comme si cétait normal, comme si ça avait toujours existé.

Involontairement ; instinctivement, les deux enfants cherchèrent des yeux le petit chien noir et blanc… Il nétait pas sur la place.

Dès qu’ils furent à la maison, ils s’installèrent, avec le goûter que maman avait préparé, devant l’une des fenêtres ; à épier la place.

Le monde habituel vaquait, seul ou en bavardant ; accompagné de sac, de mallettes, d’enfants ; de chiens. Il n’y eut rien d’anormal, rien qui ne rappelât pas le passage d’un jour ordinaire sur un autre jour ordinaire.


Marie était maintenant rentrée ; Erik et katy étaient encore assis par terre devant la télé de l‘attente. Marie savait que la télé effaçait aux enfants le bruit de son absence, et que la vie vraiment, ne pouvait reprendre le temps qu’après le retour de maman à la maison.

Elle voulut fermer les volets : le vent charriait maintenant tellement de froid, qu’elle avait envie de calfeutrer sur elle et ses petits l’intime de la nuit presque close.

Ce fut en penchant le buste dehors, pour aller chercher loin sur le mur le mini volet pliant-dépliant, que Marie vit une femme brune et vive sortir du numéro trois avec un petit chien noir et blanc à son côté.

Marie avait déjà vu ce chien sans vraiment le voir ; comme on fait pour tout ce qui nappartient pas à sa propre existence, mais qui existe tous les jours.

 

Et pourquoi donc cette femme, là, cette femme au chien…

Ce fut comme un coup de poing à lâme?

Comme un revers de vie?

Comme si elle la connaissait depuis si longtemps?

...Et que le temps de Marie était arrêté, elle une main sur chaque volet?



Et des paquets d’air glacé tombaient en vrac dans la pièce.

Katy dit J’ai froid.

Marie secoua la tête, ferma les yeux, reprit ses gestes dans un sursaut… enferma sa demeure sur leur vie à tous les trois...


Avec le sentiment de laisser quelque chose à elle sur la petite place où déambulaient un chien et une fine femme brune…

Femme souvenirde Rien.

Ut le 24/11/2009




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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 09:00



L’hôtel qui fait toujours la marche entre une gare et sa ville, était ici enguirlandé de néons jaunes et verts. Rien de plus laid, bêtement sinistre.
France poussa quand même la porte en verre dépoli et humide de nuit. Dedans il faisait chaud, et ça sentait comme dans tous les hôtels du monde : un espèce de moisi à moquette.
Il y avait un grand mec chauve à l’accueil. Pas trop propre, apparemment; ce devait être, encore, le veilleur de nuit.
Il regardait France avec un drôle d’air, comme s’il n’arrivait pas à se souvenir d’elle. France fit comme si de rien; que c’était normal ces yeux de pieuvre glauque sur elle, et elle demanda une chambre. Le mec lui dit oui, mais qu’elle ne paierait que le  lendemain, parce qu’il était le veilleur de nuit et qu’il n’avait pas le droit d’encaisser.
France secoua la tête, prit la clé moite de la main trop blanche et trop molle de l'homme, et fila dans l’escalier.

Normal, l’escalier : étroit, moquette rouge et tachée, barres de faux cuivre pour faire doré à chaque marche.

Le couloir vers sa chambre était vide, à peine brouillé de veilleuses jaunes.

... Et d’un coup une déferlante de chasse d’eau inonda l’espace comme une vague indécente. France se précipita vers la porte de la chambre marquée 115, pour ne pas avoir à rencontrer l’utilisateur des toilettes... Trop tard! Au moment où elle allait entrer, sa bulle à respirer toute seule fut lentement déchirée, tout près, par une respiration en poussières de poumons.

Regard irréfléchi, furtif, de biais sous les cils: c’était un gros homme poussif, ventre devant, charentaises délabrées aux pieds, tricot de corps taché et dégringolant sur long caleçon marron qui n’arrivait pas à remonter jusqu’au nombril dilaté.
France baissa les yeux, et son visage était absent, comme si jamais de la vie elle n’avait entendu une chasse d’eau ou même su que quelqu’un la frôlait.


Elle s’enferma dans la chambre 115. Ca commençait vraiment mal…
France détestait les hôtels parce que l’impression de solitude y est enfermé au milieu d’inconnus qui salissent le silence de leur impudique intimité.

Ici il y avait  eu en plus le veilleur de nuit et l’homme aux toilettes dont elle entendait qu’il claquait, sur une dernière expiration sifflante, la porte de la chambre contigüe à la sienne.


France était une sorte d’associale qui n’acceptait les autres que s’ils ne se frottaient pas à sa vie; que quand elle pouvait les respirer sans qu’ils ne se doutent de son existence; que quand il n’y avait aucun danger qu’ils la pénètrent.


Elle posa son sac à dos par terre, s’assit sur le lit à l’inévitable dessus  vert à vagues et à franges, et ses lèvres se mirent à bouger toutes seules.

Puis elle se leva, poussa une porte en plastique qui s’ouvrit en accordéon, et se lava vigoureusement les mains, debout dans le minuscule triangle qui servait de salle de bain... Pas de toilettes…
Ensuite elle tira loin de l'unique fenêtre le rideau accordé aux néons de l’enseigne : grosses fleurs vert sombre sur fond vert clair; souleva le loquet qui fermait deux vieux volets de bois… et son regard prit, en vrac, la ville scintillante en bas, le ciel si loin, si noir, allongé par dessus tout un silence immobile... Enfin France était seule, et tout ce temps endormi, si près et si loin, gomma d’un coup passé et avenir.

Elle eut un long frisson, comme si un orage évacuait son corps et mettait un rire sous sa peau.
Au bout du ciel il y eut une déchirure opale, et elle sut que le drap de la nuit allait se froisser et pousser le jour dehors.
Elle resta à la fenêtre ouverte jusqu’à ce que le ciel se mit à saigner; jusqu’à ce que l’indécent grondement des machines à laver les saletés des hommes de la ville écorchent le silence.
Alors elle s’allongea toute habillée sur le couvre lit ; et s’endormit sans s’en rendre compte.

France avait quarante deux ans; elle était petite, brune, mince, avec un visage trop aigu, sans paupières, et juste de longs cils pour ranger des yeux trop noirs.
Quand elle dormait on aurait dit une madone; quand elle regardait on aurait dit un enfant ou un fauve: c‘étaient ses yeux qui décidaient.

Et le téléphone portable qui ne la quittait jamais la réveilla.


Il faisait presque nuit, et d’abord France crut qu’elle s’était assoupie quelques minutes: par la fenêtre ouverte le ciel commençait à éteindre la chambre. C’est alors qu’elle se rappela s’être couchée dans le cri sanglant de l’aube...

Elle avait dormi tout le jour.


France s’assit, passa ses deux mains partout dans ses cheveux courts, et répondit au téléphone.
Une voix d’enfant disait Maman. France sourit et se mit à chuchoter.

Après, on l’avait vue dans la basse ville de Toulon, un peu hésitante, un peu à la dérive, comme quelqu’un qui marche vers rien.

Quand enfin elle fut sur une petite place avec une fontaine à sept côtés; avec des oliviers courts et silencieux; avec un immeuble numéro trois qui portait tout en haut des petits carreaux liquides de l’or mourant du soleil, France sourit - du même sourire qu’à la voix d’enfant dans le téléphone tout à l‘heure.

D’ailleurs elle prit son portable, et on l’entendit parler doucement.

Ut le 20/11/2009


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4 novembre 2009 3 04 /11 /novembre /2009 08:04

Image prise chez algosophette


Erik maintenant il est grand. Il est parti de chez Marie depuis bien longtemps.
Il cherche des maladies à guérir avant l’enfant, dans des œufs de mouches; il semblerait que les mouches c’est un peu comme les humains….
Il fait des conférences; il parle toujours en anglais; il est très connu… Il paraît.
Il vit dans l’immense jardin de beau-papa et belle-maman, avec sa femme et ses deux enfants. Dans la neuve maison construite pour eux.
Tellement neuve depuis tant d’ans, que l’Anonyme n’en a ni le numéro de téléphone ni même l’adresse; même pas un bout de photographie.
Et puis qu’est-ce qu’elle en ferait, elle, sans fils pour la voix ou l’écriture; sans vrai souvenirs à relier les uns aux autres?
Elle a juste, ça aussi Chien le sait, posé à côté de la malle aux secrets, un joli cartable de cuir. Neuf. Un cuir roux, doux, plein de vieilles poussières. Tout neuf.
Chien avait vite compris qu’il n’avait pas le droit d’y poser son nez à reniflures.
Il sait quand même. Une fois suffit, avec les animaux.

Cartable cadeau de Noël qu’Erik n’était jamais venu chercher….

Elle grince l’Anonyme, en allumant la petite loupiote rouge des matins déjà trop froids dans le nez quand on respire. Elle grince et gémit un  peu; un peu plus que les autres matins: ses mains sont écaillées du rouge de l’eau trop froide à laver les escaliers des autres: ça brûle, ça craquelle; et puis il y a ses os, trop raides et ridés de travail.

Mais juste là, en plus elle s’est réveillée avec une image: son brun Erik grand qui regardait partout sauf vers elle.
Peut-être riait-il un peu?
Des fois, même, elle se demande s’il lui appellerait l’amour les gestes et la tendresse, en cas de malheur?

Chien l’a aidée comme il a pu avec son regard sur elle: Chien lui a souri. Mais elle n’a pas vraiment vu, la vieille; toute empêtrée de mémoire soudaine; de mémoire sans chemin où aller et venir en souvenirs.
Chien n’ose pas s’approcher trop et donner un rapide coup de langue (presque pas, tu vois… juste pour effacer) à l’eau qui brille depuis l’œil enfoui, perdu dans le trou gris de tous les silences, et cette vieille et dure ride, là, au coin du silex de la lèvre de son Anonyme.
… Elle l’aurait envoyé valdinguer d’un coup de patte habitué de solitude; c’est sûr!…

L’Anonyme ne gémit plus.
Sa bouche ne fait même plus le trait vivant du visage.
Elle grince ses os sur la descente rude de sa soupente.
Pour une fois Chien n’est pas en bas à l’attendre, regard levé, moignon de queue frémissant: il est encore le cul sur le monceau de couvertures du lit par terre; à pleurer dedans en silence.
Pour elle.
Pour toutes ces larmes pas vomies; dans tout ce temps jamais crié, même pas dit, de l’Anonyme. Seule. Vieille.

Ut le 04/11/2009


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