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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 09:24

3-2

Ut ne bouge vraiment qu'autour de 17 heures.
Avant, elle s'occupe, à perte de repos et de sommeil: elle frotte et relave et re-range, et recommence. Elle parle et fait les gestes, toute enveloppée, et le bébé avec elle, d'un épais édredon  que rien ne traverse vraiment avant 17 heures.
17 heures c'est l'heure fébrile du coup de sonnette de P. qui l'avertit qu'il les attend, elle et l'enfant.
... Et les fleurs et les ronces de l'espoir dégringolent avec elle les cinq étages de l'appartement. Fièvre du corps; anxiété de l'être qui tremble; et son coeur qui va se faire mal à cogner si vite!
P. va-t-il aujourd'hui la laisser se couler en lui, humecter sa féminité déshydratée; permettre à la conscience égarée d'Ut de regretter la fuite, de donner raison à son pardon?
... Et tous les jours, deux heures durant, Ut sera bousculée dans les mots de P., étourdie de ses déchirures et de ses reproches... et tandis qu'il l'envahit de son manque à lui, de cette solitude physique d'homme, elle ne peut que lui bégayer son absence de désir et le dégoût qu'elle a de son propre corps, "si moche maintenant, P.", avec cette maigreur et cette mort des sens.
Et P. lui râpe sa haine jalouse sur le coeur, et Ut se dissoud en larmes douloureuses; impuissante, vide de fatigue.
Et l'enfant ferme les yeux sur leurs mots, tire ses traits, son petit visage exangue, prostré... Alors Ut s'arrache à la présence de P., s'enfuit à nouveau, l'enfant serré sur sa colère muette.... un bref sursaut d'auto-défense pour elle et l'enfant tétanisé; une enjambée stérile par dessus le néant et la folie: demain elle redescendra, le bébé à nouveau rieur dans les bras, l'ancien visage-amour de P. dans les yeux.
... Et Ut continue de se vider de sa propre substance, de ce qui était Ut.
Pour tenter d'endiguer cette perte, d'arrêter son cerveau de dégouliner, elle perd son temps à se balbutier, maldroite et fière, chez un psy qui n'a acune réponse dans l'étonnement de son regard.
Ut s'est paumée: elle ne sait plus où est le mensonge, le mal; si le beau et l'heureux existent vraiment. Où les poser elle et P. dans tout ce fatras de mots... et s'il était pur, ce fou bruyant, cet authentique brute, avec sa façon à lui de frissonner avant qu'elle ait elle-même réalisé que le son de la vie venait sur l'instant de virer, que l'heureuse seconde présente se mourait d'indifférence?
Où s'amarrer au milieu de son fils aîné et de sa Foi? De sa fille aînée auréolée de sa vaillante pétillance? Des petites et de leur brûlure de vivre dans un grand éclat de rire? De son père au milieu de sa peinture pointilleuse, perfectionniste, et si légère? De sa mère, ses yeux ciel agrandis d'innocence?
Ut s'effondre et crie son errance, en dedans. Creuse.
Et sa tête continue de s'émietter dans sa propre absence, à l'infini des litanies implorantes ou claquantes de P.
 
Il a emménagé tout près, et vient sonner, impétueusement, à l'affut de son amour, la riposte qui meurtrit toute prête sur ses lèvres bleues.
Tant et tant qu'Ut n'a plus de repères pour réfléchir, plus de refuge en elle-même pour arrêter les phrases- celles de P. et celles des autres- qui tourent et se répandent à vide.


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  •  Elle est comme la note, volatile et grave. Elle écrit comme elle peint: pour oublier de se souvenir, et donner en partage; participer à l'ouvrage. 
donner l'encre ou les couleurs de sa symphonie à une note.
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