Ce matin la cigale caquetait.
Ca c’est sûr, la cigale de ma petite place est une vieille dame.
Et une vieille dame aigrie qui plus est.
D’abord, pourquoi est-elle venue là, en pleine ville, à l’écart du froufrou brûlant de ces demoiselles à vibrer l’été? Déjà. Déjà c’est pas normal.
Ensuite elle craquette, ou caquette, comme tu veux; et pas tous les jours, ça non! Une fois la semaine, pas plus…
Enfin, ce matin elle causait.
D’abord ça m’a fait bonheur réveil, toute engluée que j’étais de sommeil.
Et puis ça m’a grincé au cœur: ses ailes doivent être si vieilles, si ridées, si usées, qu’elles claquent une fausse note sèche et brève; un temps; et puis elle recommence.
Des ailes qui boitent, on dirait.
Ce matin ma petite place est vide, de ce vide à soleil qui écrase, et prédit de longues heures sueurs, à ne pas bouger; ou un jour à brûler, peut-être, dans l’âtre des détraqués.
Et par dessus il y a cette cigale, qui scie sa mauvaise humeur, qui cisaille à petits coups rêches la langueur, le flottement perlé de la fontaine, le temps compté du clocher tout près.
La cigale SDF. Vieille fille flétrie d’étés trop chahutés.
Cigale sans amours; parce que sûr, son bonheur ne viendra pas jusque là.
Cigale qui grince son amertume et son âge; solitaire, amère.
Ce n’est pas un chant, c’est un cri.; sur une note désaccordée.
Et c’est tellement pauvre qu’on veut pas aimer; ou même avoir pitié.
Et c’est tellement âpre qu’on décide d’oublier.
Si elle survit jusque là, demain, vieille cigale sera terrée au pied du poteau si ingrat qu’il en gâche les regards.
Heureusement il sera hiver.
Et nous n’aurons pas le droit de l‘expulser….
Ut le 28/07/2009