Je comprends tellement les « gangs »; bandes en français… (justement…la langue!)
et toute leurs haines contre nos bien-pensantes sociétés dont-ils ne comprennent même pas le sens des mots….
Toi on t’a parlé au berceau la langue dans laquelle tu vis.
Nos jeunes des bandes, notre demain, ceux qui ne savent même pas pourquoi ils sont nés, ils n’ont que leurs voisins de frères pour participer à un sens.
Frères d’isoloirs au monde.
L‘incompréhension mariée à l’exclusion n‘est-t-elle pas la condition première à la naissance de la haine?
La leur… et la notre!
Nos jeunes des bandes ont dû s’inventer un langage pour créer une communauté; pour appartenir à autre chose qu‘à rien.
Et comme les mots ça suffit pas, qu’il faut aussi les gestes ensemble - comme nous nos jobs, nos gosses, nos arts, nos foyers -… alors il leur est venu la violence de toutes les initiations à l’existence physique; puisqu’ils n’ont aucun autre espace pour affirmer leur réalité. Physique.
Et nous on regarde de loin (à la télé); et puis aussi à coups de menottes de gaz lacri ou de tonfas… en évitant les yeux de galères, les bandes qui se massacrent entre elles.
Avec leurs langages.
Avec leurs gestes nés de tous les manques.
Avec leurs délinquances nées de l‘absence de travail et d‘argent.
Avec le rap à hurler A l’aide!… Parce que la haine, vraiment, c’est pas vivable!
Avec les armes, leur seul bien dans la poussière des terrains vagues ou du béton à cités; la seule marque visible d’un statut… Et tant pis si ça fait mal. Au moins quand ça saigne, ça prouve que le corps existe…
Pour nos jeunes des bandes nous sommes une multitude de points d'interrogations parqués derrière les barreaux de ce qu’on leur dit être Le bonheur: le fric, la famille… et ce mot étrange, clé de toutes les vie: l’amour….
Pour nous ils sont un inconnu bestial que nous parquons derrières les barreaux d’une morale, d’une langue, d’une gestuelle, des codes d’une société dont-ils n’ont pas les clés.
Je les ai vus grandir nos gosses, pieds nus sur le carrelage crasseux de l’appart aux vitres cassées, été comme hiver.
Et puis l’école… C’est quoi cet endroit où on dit ce qu’il faut faire; et surtout, ce qu‘il ne faut pas faire? Jamais papa ou maman n’ont donné d’ordre comme ça; à la rigueur ils tapent, mais les mots, ces mots en barrage à leurs racines…. Bien sûr qu’il faut se révolter! Bien sûr qu’il faut faire manger leurs mots à ces profs biens nourris, « bien élevés »: on ne peut pas les laisser nous mourir!
Et gros cheveux sur adolescences brunes ou noires, quand toutes les pubs sur leurs murs exhibent des gosses blonds ronds lisses et rieurs.
Alors, c’est pas grave de mourir, puisqu’on vaut si peu: juste quelques ombres bronzées à surtout pas laisser entrer dans tout ce blanc là, devant la cité.
Alors c’est pas grave de tirer avec les armes….
Ut peut toujours causer… je préfèrerais défiler demain avec mes demi-frères les bandes, et hurler en verlan l’injustice d’une naissance.
Juste pour qu’ils se sentent, une heure, un peu moins seuls.
Ut le 30/04/2009