L'Anonyme est cabossée, mutilée, percée.
L'Anonyme n'est plus qu'une cicatrice vide.
Et cela réveille bien souvent sa nuit ; cette petite mort du sommeil où les rêves ne peuvent être empêchés et tus.
Cette nuit là, peut-être plus solitaire qu'une autre, plus fragile, ses amours l'avaient dépouillée encore une fois. Amours blessés qui ne lui avaient laissé que des enfants sans pères qu'elle avait élevés, houspillés, torchés... Adorés...
Les enfants perdus.
Et son corps tremblé l'avait réveillée de tout ce froissé vécu, cogné... jusqu'en son ventre gonflé d'un bébé...
Cette nuit là.
Dans le silence de tous les dénuements, ses mains craquelées caressaient le noir et sa solitude.
Et elle ne criait même plus à l'éveil du cauchemar : c'était presque quotidien cette souffrance.
Et le petit chien noir et blanc à ses pieds ne lui léchait pas la consolation au vieux et maigre visage : il ne fallait surtout pas qu'elle se pique au poignard des larmes de mémoires.
Alors chien écoutait humblement l'Anonyme bousculer sa maigreur sous ses tas de chiffons ; gargouiller un grincement.
Puis il veillait avec elle, heures de silence sur heures de silence, sans un mouvement... avec juste les trous noirs des yeux de la vieille piqués sur son néant.
Ut le 17/01/2010.